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L'avenir incertain des agences de voyages

L'avenir incertain des agences de voyages

Les professionnels du tourisme sont en première ligne de la crise économique du Covid-19. Les diverses problématiques nées de la pandémie sont inédites pour les agences de voyages, dans la mesure où elles touchent à la fois les destinations qu’elles proposent et leurs clients. Entre fermetures des frontières, mesures sanitaires strictes, crise économique future et vols interrompus, comment font-elles face à cette situation hors du commun ?

Le contre-coup du confinement a heurté de plein fouet les agences de voyages et les tours opérateurs. A l’heure où l’Europe ouvre ses portes, d’autres ferment les leurs. C’est ce décalage qui continue de bloquer le secteur du tourisme international.

Les Etats ne sont pas tous au même stade de l’épidémie, et n’adoptent pas les mêmes politiques sanitaires. Entre les frontières closes, les quarantaines obligatoires à l’arrivée sur le territoire et les règles de distanciation sociale, prévoir un voyage devient un « véritable chemin de croix », pour reprendre l’expression de Guillaume Linton, directeur du tour opérateur Asia.

Un monde en mode pause

Pas de décollages et d’atterrissages successifs, pas de brouhahas dans les musées, pas de cartes postales envoyées… Le monde du tourisme a véritablement été mis sur pause pendant de longs mois.

Guillaume Linton nous explique l’impact de cet arrêt du tourisme au sein d’un tour opérateur spécialisé sur les voyages en Asie : Asia. « nous avons été les premiers touchés. Dès janvier la demande a commencé aàbaisser. Seuls les touristes qui avaient prévus de partir à court-terme n’ont pas modifié la date de leur voyage. L’intégralité de nos destinations ont été fermées à partir de mi-mars, en pleine saison de départ au Japon. »

Le directeur insiste sur le soulagement qu’a provoqué l’ordonnance du 25 mars (qui a permis de transformer les acomptes en avoirs), « ça nous a permis de souffler ».

Aujourd’hui encore, l’intégralité de ses équipes est en chômage partiel, avec une moyenne de 30% en activité en service et 70% de temps chômé.

« Ça a été une période très éprouvante pour tous les professionnels du tours opérateurs. Nous avons dû nous occuper du rapatriement de nos clients et parfois même de leur quarantaine sur place. Certains de nos clients se sont retrouvés en quarantaine dans des camps militaires au Vietnam, dans des conditions d’hygiène et de confort médiocre. Nous avons géré l’envoi de matériel de première nécessité et quelques jeux de carte pour améliorer leur séjour. »

Pour Guillaume Linton, la reprise de l’activité s’annonce difficile, même si la quasi-totalité de ses clients souhaitent reporter leur voyage.

Même constat pour le directeur associé de Voyageurs du Monde, Alain Capestan, « dès qu’une destination rouvre, c’est un véritable raz-de-marée de demandes. Mais impossible de répondre à la demande de nos clients qui veulent partir à l’international, car on a besoin des vols long-courrier. Nous ne faisons que défaire le travail qui a été fait ».

Le jeu de la diversion : trouver de nouvelles destinations plus proches

A défaut de pouvoir proposer à leurs clients leurs offres habituelles, les professionnels du tourisme orientent leurs programmes vers de nouvelles destinations, plus locales.

La grande star de cet été, c’est donc la France. Les agences se démènent pour trouver des nouvelles propositions de voyage sur le sol français.

« Pour répondre à une demande, on a réactivé ou étoffé nos offres sur la France et l'Europe, qui ne représentent que 20% de ce que nous proposons d'habitude » exprime à La Tribune Eric de la Bonnardière, président d'Evaneos

Evaneos, qui en temps normal organise des voyages lointains difficiles à organiser, tourne cette année son regard vers la France en raison des difficultés d’organisation à l’étranger.

Guillaume Linton, a lui aussi modifié la ligne de conduite de ses agences. Chez Asia, ils ont sélectionné des professionnels du tourisme en France pour proposer des activités diverses dans l’hexagone, en Corse et à la Réunion.

« On propose des croisières autour de la Corse, ou des descentes du canal du midi en pénichette, des visites des châteaux de la Loire ou de vignobles bordelais… ».

Alain Capestan, le directeur associé de Voyageurs du Monde, nous explique que leurs propositions habituelles de voyages en immersion dans les pays étrangers, et souvent lointains, se sont transformés en tracking et randonnée sur le sol français.

« En dehors de la Polynésie et de la Réunion, les longs courriers sont au point mort. Même si certaines destinations européennes sont désormais accessibles, les voyageurs préfèrent se réorienter vers la France pour cet été ».

Le casse-tête européen

Face à l’arrêt quasi-total des vols long-courriers que présentait IATA, les agences de voyage sont séduites par l’Europe pour offrir des alternatives à leurs clients, mais cela est-il vraiment plus simple ?

En cette période sinistre, la multiplicité des restrictions sanitaires qu’adoptent les Etats donnent parfois le sourire aux lèvres, mais font s’arracher les cheveux aux conseillers des agences de voyage. Ne croyez surtout pas que désormais l’Europe s’ouvre au monde car les gouvernements européens sont loin de s’aligner sur les mesures à suivre.

Par exemple,  le Portugal a ouvert ses frontières avec l'Espagne le 1er juillet, mais les archipels conservent eux une quarantaine pour tous les voyageurs.

En Espagne, les frontières ont rouvert mais certaines zones ont été confinées à nouveau dans le nord-ouest du pays. En Grèce les frontières sont ouvertes mais il faut remplir un formulaire 48heures avant le départ. Les voyageurs reçoivent un code QR qu'ils doivent imprimer. Pour entrer en Croatie, il faut également remplir un formulaire.

En Islande il faut effectuer un test payant à l'arrivée et l'on est mis en quarantaine en cas de test positif.

Concernant les pays baltes comme la Lithuanie ou l'Estonie, les voyageurs sont autorisés à y entrer si leur pays a moins de 15 cas pour 100 000 habitants, une liste étant mise à jour chaque semaine. Alors que les pays Schengen ont rouvert leurs frontières internes le 15 juin ou le 16 juin pour l'Allemagne et l'Autriche, la Norvège a décidé d'ouvrir ses frontières le 15 juillet seulement

Quant au Royaume-Uni il oblige toujours à passer deux semaines en quarantaine à l’arrivée mais vient d'autoriser l'entrée sans quarantaine des français et de citoyens de certains pays d'Europe à partir du 10 juillet.

Les vacances sont ainsi compliquées à organiser en Europe : il est difficile de bien s'informer sur les procédures pour les touristes, de nombreux pays appliquant des restrictions particulières.

La crise des petites agences spécialisées

Si les grands tours opérateurs parviennent à sortir la tête de l’eau, les plus petites structures peinent à se sortir de la crise. Entre les frontières fermées et les grands évènements annulés, les agences spécialisées souffrent et ne peuvent rebondir.

Nous apprenions cette semaine que l’Arabie Saoudite avait tranché : pas de pèlerinage à la Mecque cette année.

Une catastrophe financière pour les agences de voyage spécialisées, « avec cette décision, j'ai perdu 60 % de mon chiffre d'affaire soit 60 000 euros » déplore à France Bleu Salhi Ahmed, le gérant d’une petite agence stéphanoise, Marhaba voyages. Ces établissements déjà fragilisés par la crise sont nombreux à craindre une faillite avant la fin de l’année.

L’Algérie perpétue elle la fermeture de ses frontières et bloque complètement le secteur du tourisme.  Bachir Djeribi, président du Syndicat des agences de voyages (SNAV) Algérien a confié à Dzair Daily « 3.400 agences sont à l’arrêt depuis trois mois. Ces dernières emploient en moyenne chacune 5 personnes ».

A ce titre la France et l'UE ont décidé de rouvrir leurs frontières à l'Algérie alors que l'on constate une recrudescence de l'épidémie dans le pays et que des cas importés sont arrivés à Paris récemment comme le souligne CNEWS : est-ce bien raisonnable?

Au 30 rue Belgrand, dans le 20ème arrondissement de Paris, Valérie travaille dans une agence Carol’ Voyage. Elle raconte son quotidien depuis le confinement : « je suis épuisée de défaire tout le travail qui a été fait. Je décommande toutes les réservations. Il y a certaine compagnie avec lesquelles je ne travaille plus car ils annulent leurs vols régulièrement. Parfois, j’ai organisé un voyage, je l’ai annulé, réorganisé et annulé de nouveau. Ce n’est pas possible, je ne peux pas constamment appeler mes clients pour leur dire qu’ils ne peuvent finalement pas partir. »

La situation économique du marché des agences de voyage est catastrophique, Valérie nous informe que dans le groupe des 7 agences Carol’ Voyage, l’activité a dégringolé de 90%.

Cependant, Valérie garde espoir quant à la reprise de l'activité : « dès qu'une destination rouvre ses frontières, nous avons énormément de demande. Les gens attendent de pouvoir repartir. »

Ce jour-là dans l'agence, un homme cherche à partir au Sénégal fin juillet. Pour l'instant, pas de solution pour lui, il doit attendre que les vols reprennent.

Vers une nouvelle profession ?

Les agences de voyage qui auront survécu à cette crise sans précédent vont sûrement devoir modifier leurs propositions, et faire face à de nouvelles demandes de leurs clients.

Pour Alain Capestan, le tourisme d’avenir prend un tournant écologique. « Chez Voyageurs du Monde, cela fait 12 ans que nous nous engageons à combler l’empreinte carbone de nos clients ».

Guillaume Linton l’assure, « il faudra penser au voyage de l’après Covid ». « Les touristes auront de nouvelles motivations pour voyager, le respect de l’environnement sera prédominant. Nous devons être capable d’être des gestionnaires de temps libre, autant au niveau local que régional et qu’international. Il va aussi falloir dessaisonner les voyages, proposer des alternatives loin du monde et hors saison ».

Une chose est sûre, le tourisme de 2019 ne sera pas de retour en 2021. Cet ancien monde sera-t-il même de retour un jour, alors que de nombreuses compagnies aériennes et agences de voyage ont déjà fait faillite ?

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